Dans de nombreux foyers, une scène se répète quotidiennement avec une régularité épuisante. Un parent demande à son enfant d'éteindre la tablette, de poser le téléphone ou d'arrêter la console de jeux. La réponse ne se fait jamais attendre : cris, pleurs, claquements de porte. La colère explose avec une violence qui laisse les adultes démunis, oscillant entre culpabilité et épuisement. Cette guerre des écrans épuise les familles et transforme les moments qui devraient être paisibles en véritables champs de bataille...

Le paradoxe est cruel. Ces enfants qui passent des heures devant leurs écrans se plaignent pourtant d'ennui dès qu'on les leur retire. Incapables de trouver par eux-mêmes une activité qui les captive, ils semblent avoir perdu cette capacité naturelle à s'inventer des jeux, à rêvasser, à créer.
Leur cerveau, habitué à la stimulation permanente et aux récompenses instantanées des applications et des jeux vidéo, peine à retrouver un rythme plus lent, plus contemplatif.
L'ennui, pourtant si nécessaire au développement de la créativité et de l'autonomie, leur est devenu insupportable.
Face à cette situation, les parents se sentent souvent complètement dépassés. Ils savent que les recommandations sont claires : limiter le temps d'écran, privilégier les activités physiques, favoriser les interactions réelles. Mais la théorie se heurte à la réalité d'un quotidien où la résistance de l'enfant use les nerfs les plus solides. Après une journée de travail, quand la fatigue se fait sentir, il devient tentant de céder pour obtenir enfin un moment de calme. De guerre lasse, on accorde quinze minutes supplémentaires, puis une demi-heure, et progressivement les limites s'effritent. Cette capitulation progressive s'accompagne d'un sentiment d'échec qui ronge l'estime de soi des parents.

Le désespoir s'installe quand les tentatives de dialogue échouent, quand les punitions se multiplient (on n'hésite pas à confisquer, retirer, interdire l'accès au fameux saint Graal), quand même les récompenses perdent de leur attrait face à l'appel irrésistible de l'écran.
Certains parents témoignent de cette impression douloureuse d'avoir perdu le lien avec leur enfant, comme si un mur invisible s'était dressé entre eux.
La première définition du mot "Ecran" d'après le Larousse : "Qui fait barrage. Exemple : derrière vos écrans de fumée".
L'écran s'interpose et coupe la connexion entre les personnes.
L'écran n'est plus un simple objet, il est devenu un tiers envahissant dans la relation familiale, un rival qui accapare l'attention et l'énergie de l'enfant.
Que faire au moment de la déconnexion ? Comment gérer la tempête émotionnelle qui se lève au moment où on lui retire le smartphone ou la tablette ?
Comment anticiper la fameuse phrase : "Je ne sais pas quoi faire ! Je m'ennuie" ?
Pourtant, des solutions existent pour sortir de cette spirale. Marie Costa, dans son ouvrage "50 défis sans écran" publié aux éditions Belin, propose une approche à la fois bienveillante et pragmatique pour accompagner les familles dans cette déconnexion progressive. Plutôt que de se concentrer uniquement sur l'interdiction, elle invite à redécouvrir ensemble le plaisir des activités déconnectées. Son livre regorge d'idées concrètes, accessibles, qui permettent de recréer du lien et de redonner aux enfants le goût de l'action réelle.

L'auteure ne culpabilise pas les parents mais leur offre des outils pratiques pour transformer la relation aux écrans.
Chaque défi proposé est pensé comme une opportunité de partage, une occasion de montrer aux enfants qu'il existe un monde fascinant au-delà de l'univers numérique.
Il peut s'agir de cuisiner ensemble, de construire une cabane, d'organiser une chasse au trésor dans le quartier, ou simplement de prendre le temps d'observer les nuages.
Ces activités, qui peuvent sembler dépassées à l'ère du tout numérique, réveillent en réalité des compétences essentielles : la patience, la persévérance, l'imagination.
La reconquête ne se fait pas en un jour. Elle demande de la constance, de la créativité, et surtout beaucoup de bienveillance envers soi-même en tant que parent. Il est important d'accepter que les écrans font partie de notre époque et qu'il ne s'agit pas de les bannir totalement, mais d'apprendre à établir une relation équilibrée avec eux. Cela implique aussi que les adultes montrent l'exemple, qu'ils acceptent de poser leur propre téléphone pour être pleinement présents auprès de leurs enfants.
Reprendre le contrôle sur les écrans, c'est finalement reprendre le contrôle sur la qualité du temps familial. C'est choisir de privilégier les moments de connexion authentique, ceux où les regards se croisent vraiment, où les rires résonnent sans être interrompus par une notification. C'est offrir aux enfants la possibilité de grandir avec une vie intérieure riche, capable de trouver des ressources en eux-mêmes plutôt que dans un flux incessant de contenus. Les parents ne sont pas seuls dans ce combat, et des ressources comme celle proposée par Marie Costa rappellent qu'avec de la méthode et de la persévérance, il est possible de retrouver un équilibre salvateur pour toute la famille.
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